Lot 35
  • 35

Henri Adrien Tanoux Marseille 1865 - Paris 1923

Estimate
100,000 - 150,000 EUR
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Description

  • Henri Adrien Tanoux
  • Namouna
  • Signé et daté en bas à droite A Tanoux 1887
  • Huile sur toile
  • 301.5 x 401.5 cm ; 118 3/4 by 158 in ;

Provenance

Château d'Aubiry, Céret. Ce château appartenait à la famille de Joseph Bardou, fondateur au XIXème siècle de la célèbre usine de papier JOB à Perpignan. Aubiry fut construit entre 1894 et 1900 pour Justin Bardou, petit fils de Joseph, par l'architecte danois Vigo Dorph Petersen. Le tableau, qui se trouvait dans le salon de musique, a été très probablement placé dans le château depuis sa construction.  

Exhibited

Paris, Salon des Artistes Français 1887, n°2265, reproduit au catalogue illustré page 117.

Condition

Very good overall condition. Minor repaints scattered all over the surface.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Le sujet de notre tableau s'inspire du poème éponyme d'Alfred de Musset publié en 1832 dans le recueil Spectacle dans un fauteuil. L'histoire est la suivante : Hassan, jeune noble français vivant en Orient et converti à l'Islam :
Il avait dans la mer jeté comme un haillon
Son titre, sa famille et sa religion (Chant 1, strophe 12)

Avait pour habitude d'acheter deux jeunes esclaves par mois, qu'il renvoyait au bout de quelques jours afin de ne pas s'y attacher. Un marchand lui vendit un jour une jeune et belle espagnole nommée Namouna :
Hassan toute sa vie aima les Espagnoles
Celle-ci l'enchanta, si bien qu'en la quittant
Il lui donna lui-même un sac plein de pistoles (Chant III, strophe 7)

 Hassan est sensible au charme de Namouna, cependant elle subit le sort des autres esclaves : il la renvoie. Mais Namouna décide de le revoir coûte que coûte ; elle va donc dans un marché voir un marchand d'esclaves afin qu'il la revende à Hassan, et se grime afin que celui-ci ne la reconnaisse pas. Le poème se termine bien :
Je vous dirai qu'Hassan racheta Namouna
Qu'au lit de son amant le Juif la ramena
Qu'on reconnut trop tard cette tête adorée ;
Et cette douce nuit qu'elle avait espéré
Pour prix de tous ses maux le Ciel la lui donna.

Je vous dirai surtout qu'Hassan dans cette affaire
Sentit que tôt ou tard la femme avait son tour
Et que l'amour de soi ne vaut pas l'autre amour.....(Chant III, strophes 13 et 14)

 Notre tableau montre la scène décrite Chant III strophe 13 : le vieux marchand  revend à Hassan la belle Namouna, qui cache son visage pour n'être pas reconnue.

 Notre tableau, caractéristique du goût des années 1880, est un bel exemple de ces grands tableaux qui rencontraient un vif succès lorsqu'ils étaient présentés aux Salons de Paris : un sujet « exotique » mêlé d'une pointe d'érotisme, une composition équilibrée, peinte dans une technique «ingresque», un goût de la décoration et du détail poussé à l'extrême : le décor est d'une richesse et d'une précision merveilleuses, tapis, tapisseries et tentures multicolores, draperies soyeuses, babouches, narghilés et  brûle-parfums à l'odeur enivrante, faïences et carrelages, vieux marchand enturbanné et jeunes corps dénudés ! Tout invite le spectateur à entrer au coeur même de la vie orientale, sensuelle et nonchalante, telle que l'imaginaient dans leurs fantasmes les Européens de l'époque.

L'Orient et ses harems peuplés de beautés exotiques ont fasciné les Occidentaux tout au long du XIXe siècle. En témoignent de nombreux tableaux, sculptures, poèmes et romans sur le thème du harem, qui sera même repris par des maîtres tels Renoir et Matisse. Quant à l'héroïne de Musset, Namouna, elle a directement inspiré quelques artistes. On connait bien sur le ballet Namouna d'Edouard Lalo créé en 1882, qui ne fut pas un grand succès mais influença peut-être les peintres Adolphe Weisz ou Louis-Paul Bouchard qui exposaient chacun une Namouna au Salon des Artistes Français à Paris en 1884. Tanoux lui-même a peint un second tableau titré Namouna, choisissant une autre scène du poème de Musset, celle où le marchand présente pour la première fois Namouna et une autre jeune esclave, à Hassan. Ce tableau date de 1922 et il est conservé au musée Chéret à Nice.

 On ne peut pas évoquer Hassan et Namouna sans citer la splendide aquarelle d'Henri Régnault dont nos deux héros sont le sujet ; exécutée en  1870 à son retour du Maroc, cette aquarelle, répertoriée sous le titre Hassan et Namouna dans l'ouvrage d'Henri Casalis Henri Régnault sa vie son oeuvre, Paris 1872, p.196 a été vendue à Paris, hôtel Drouot, le 29 Avril 1994. La description qu'en fait Théophile Gautier pourrait tout à fait s'appliquer à notre tableau :
" On dirait un Manfred ou un Don Juan oriental ayant peut être connu une autre civilisation et ayant voulu changer de blasement. En regardant ce corps amaigri et nerveux, consumé d'ardeur, nous pensions au Héros de Namouna, à cet Hassan d'Alfred de Musset qui s'en était allé réchauffer son scepticisme au pays du soleil, quittant le cigare pour le haschish.
Le peintre n'a probablement pas eu cette idée, mais son aquarelle la suggère: l'ennui de la volupté, le désir de l'inconnu, la fatigue des paradis artificiels, comme l'appelle Baudelaire, se lisent sur ce visage amigri, mais jeune encore malgré les excès."