François-Marius Granet Aix-en-Provence 1775 - 1849 Malvalat

Acquis probablement à Rome par Elisabeth Foster, duchesse de Devonshire ;
Resté dans la collection Foster jusqu’à la vente de Glyde Court, Tallandstown, Dundalk, Irlande, les 15 et 16 septembre 1982, lot 299.

Granet est présent à Rome dès 1803. On connait le fameux portrait peint par Ingres vers 1807, qui représente le jeune artiste dans la Ville éternelle avec le palais du Quirinal se détachant derrière lui (conservé au musée Granet, Aix en Provence). Granet et le grand peintre de Montauban sont en effet alors des amis intimes.
On constate que la présente Vue du Quirinal avec la promenade du pape Pie VII montre une grande similitude avec le paysage qui apparait en arrière-plan dans le célèbre portrait. Plusieurs historiens d'art tels que Hélène Toussaint ou Anna Ottavi Cavina ont ainsi suggéré d'attribuer à Granet l'exécution du paysage dans le portrait de Ingres le représentant. Dans un article publié en 2001, Anna Ottavi Cavina (voir opus cité) s'appuie sur l'existence de notre tableau pour étayer l'hypothèse de la collaboration entre les deux artistes dans ce chef-d'oeuvre. L'idée d'une exécution à deux mains lui parait très vraisemblable compte tenu de la forte complicité entre les deux peintres depuis leur apprentissage dans l'atelier de David, et de l'importance inhabituelle du paysage (ici de la vue de Rome) dans un portrait de Ingres. Elle suppose que notre petite toile aurait précédé chronologiquement la réalisation du grand portrait et aurait ainsi servi de modèle pour le paysage qui y figure en arrière-plan. De son côté, Hélène Toussaint souligne les qualités moins brillantes de Ingres comme paysagiste, qui aurait pu naturellement solliciter l'aide de son ami Granet.
Cette hypothèse n'avait pas été proposée lors de l'exposition Portraits by Ingres, Londres, New York, Washington, 1999, où plusieurs études tendent à rendre à Ingres la plupart des paysages dans ses portraits. Plus récemment, suite à l'exposition Ingres qui s'est tenue au Louvre en 2006, Vincent Pomarède considère que Ingres a élaboré dans ses portraits un univers poétique dont le cadrage implique une intégralité générale unique.
La question étant ainsi posée, il reste certain que la Vue des jardins du Quirinal de Granet que nous présentons ici a directement inspiré le paysage qui s'étend en arrière-plan dans le portrait peint par Ingres.

Les Jardins du Quirinal sont un lieu que Granet a particulièrement affectionné et qui apparaissent dans plusieurs de ses toiles.  Très tôt dans les années qui suivent son installation, Granet devient familier d'une pratique déjà entrée dans les moeurs depuis quelques années en Italie, à savoir la peinture sur le motif. Dans une lettre de Pierre Guérin à François Gérard, datée du 8 août 1804, on lit : "Je crois que ce dernier (Granet) a tout Rome dans son portefeuille" (voir I.Neto Daguerre, D.Coutagne, Granet, peintre de Rome, Aix-en-Provence, 1992, p.84).

La particularité de notre toile est de montrer une animation dans le paysage par la présence du garde suisse et du groupe du pape et des cardinaux. La présence de Pie VII dans ce lieu à forte signification politique pourrait être une manière pour Granet de montrer son opposition à l'enlèvement du pape en 1809 et à son exil à Fontainebleau.
De plus, cette oeuvre eut une provenance prestigieuse car elle rentra très vite dans la collection de Elisabeth Hervey Forster (1759-1824), duchesse du Devonshire en 1809, mécène influente et femme de lettres. Installée définitivement à Rome dès 1816, elle fut une amie très proche du cardinal Consalvi et côtoya les plus célèbres artistes de son temps tels que Canova, Granet, Camuccini, Chauvin...