Lot 73
  • 73

Pablo Picasso

Estimate
500,000 - 700,000 EUR
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Description

  • Pablo Picasso
  • UN MATIN AU HAREM
  • signé, daté et dédicacé Pour Jacques de Lazerme, Picasso, Perpignan, 8.9.54  (en bas à gauche)

  • crayons de couleur et rehauts de gouache sur papier
  • 50 x 64 cm; 19 3/4 x 25 1/4 in.

Provenance

Don de l'artiste à la famille de l'actuel propriétaire en 1954

Condition

Executed on a cream wove paper. The sheet is hinged to the mount at the upper edge. There are some remnants of tape visible from a previous mounting. There are three flattened creases, two in the body of the woman on the right hand side and one towards her right. The colors are bright and vivid. This work is in very good original condition.
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Catalogue Note

 signed, dated and dedicated 'Pour Jacques de Lazerme, Picasso, Perpignan, 8.9.54'  (lower left), coloured crayons heightened with gouache on paper. Executed in 1954.

Fig. 1  Eugène Delacroix, Les Femmes d'Alger dans leur appartement, 1834, huile sur toile, Musée du Louvre, Paris

Fig. 2  Pablo Picasso, Les Femmes d'Alger, version J, 1955, huile sur toile, Vente : Sotheby's, New York, 3 mai 2005

Fig. 3  Pablo Picasso, Jacqueline aux fleurs, 1954, huile sur toile, collection particulière

Fig. 4  Henri Matisse, Figure décorative sur fond ornemental, 1925-26, huile sur toile, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris


Si 1954 est l'année de la rencontre de Picasso avec Jacqueline, c'est également celle de ses retrouvailles avec Delacroix; retrouvailles qu'Un Matin au harem nous laisse présager. De 1954 à 1963 Picasso assume pleinement l'héritage de ses prédécesseurs et recense ses propres ressources picturales ainsi que celles de ses contemporains Matisse et Braque. « Picasso analyse, décompose et recompose sans fin les chefs-d'œuvre des autres, les digère pour les faire siens » (B. Léal, C. Piot, M.-L. Bernadac, Picasso, La Monographie 1881-1973, Paris, 2000, p. 405). Un Matin au harem traduit ainsi la richesse des échanges de Picasso avec les grands maîtres.

Dans un flamboiement de couleurs et de motifs, Picasso représente deux femmes dénudées, aux formes sinueuses, occupées à leur toilette. La scène baigne dans une atmosphère orientaliste. A gauche de la composition, le profil de Jaqueline Roque, dont Picasso est épris depuis peu, se devine aisément. Celle-ci est représentée accroupie. Dans une pose de soumission hiératique, elle présente un miroir à l'autre odalisque, incarnation de la femme idéale, quintessence de toutes les femmes aimées, qui peigne sensuellement ses longs cheveux clairs. 

La légende veut que Jacqueline, «l'odalisque absolue par son physique» (Léal, Piot, Bernadac, op. cit., p. 405), en qui Picasso avait retrouvé la femme au narguilé des Femmes d'Alger, fut le modèle qui lui inspira de renouer avec Delacroix. Un Matin au harem initie ainsi une inépuisable série d'études et de copies de la célèbre toile. Picasso tente d'y récapituler toutes les possibilités formelles offertes par les recherches pionnières du grand maître moderne. Manipulée, digérée par l'artiste, la composition initiale se métamorphose au gré des préoccupations plastiques et esthétiques de Picasso : celui-ci analyse les différentes postures des femmes, les imbriquent, les superposent dans un quadrillage décoratif. Aux courbes généreuses des deux odalisques répond la géométrie rigoureuse du décor qui envahit l'espace.

Cependant, si Picasso s'approprie, «cannibalise» (Léal, Piot, Bernadac, op. cit., p.  405), l'œuvre de son prédécesseur, on retrouve néanmoins, comme le souligne Brigitte Léal, «les points cruciaux de leurs préoccupations communes, l'imbrication de la figure dans un fond, la tension entre le géométrique et l'ornemental, la volonté de résister à l'abstraction, de sauver l'essentiel : le plaisir inépuisable offert par le motif.» (B. Léal, Carnets, Catalogue des dessins, vol. 2, Paris, 1996, p. 241).

Ces mêmes préoccupations animent les Odalisques que Matisse peint dès les années 1920. Un Matin au harem évoque le fructueux dialogue créatif qu'entretenaient les deux artistes. Un mois avant la mort de Matisse, en novembre 1954, Picasso reprend à son compte les odalisques auxquelles son ami s'était intéressé plusieurs décennies plus tôt. «Je me dis quelquefois que c'est peut-être l'héritage de Matisse» (Léal, Piot, Bernadac, op. cit., p. 405), confie-Picasso à Daniel-Henri Kanweilher, en parlant des Femmes d'Alger.

A l'instar des nus orientalisant de Matisse, Un Matin au harem ne représente pas seulement le mythe de l'Orient, du harem, de la volupté sensuelle et colorée, mais aussi le problème pictural de l'intégration d'une figure à un fond ornemental. Picasso pose deux figures d'odalisques aux formes simplifiées dans une pièce excessivement décorée. Les corps saillants semblent comme incrustés dans un espace compact, saturé d'éléments d'ornementation : sols, murs couverts de mosaïques et figures féminines semblent ainsi coexister sur un seul plan, tout comme dans Figure décorative sur fond ornemental de Matisse.


«Pour mon malheur et pour ma gloire, je place les choses selon mes amours. Quel triste sort pour un peintre qui aime les blondes, mais qui s'interdit de les mettre dans son tableau, parce qu'elles ne s'accordent pas avec la corbeille de fruits ! (...) je mets dans mes tableaux tout ce que j'aime. Tant pis pour les choses, elles n'ont qu'à s'arranger entre elles.» (in. catalogue : Londres, Tate Modern; Paris, Galeries Nationales du Grand-Palais; New York, The Museum of Modern Art, Exposition Matisse Picasso, 2002-2003, p. 305). Un Matin au harem porte à son paroxysme cette impatience de l'artiste à représenter et par la même à s'approprier ce qu'il aime.

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