Livres et Manuscrits du XVe siècle à nos jours, dont Cinéma, Art contemporain et Bande dessinée
Livres et Manuscrits du XVe siècle à nos jours, dont Cinéma, Art contemporain et Bande dessinée
XXe siècle (lots 51 à 142)
Médaille en or et diplôme de prix Nobel. 1911. Exceptionnel prix littéraire pour l'écrivain symboliste
Lot Closed
March 1, 02:46 PM GMT
Estimate
90,000 - 120,000 EUR
Lot Details
Description
XXe siècle (lots 51 à 142)
[Maeterlinck, Maurice]
Diplôme en or et médaille du prix Nobel de littérature.
10 décembre 1911.
Médaille en or et diplôme peint à la main, célébrant le prix Nobel de littérature décerné à Maerterlinck en 1911.
Le seul prix Nobel belge de littérature.
Maeterlinck est le second écrivain francophone à avoir été récompensé du Prix Nobel de littérature, après Sully-Prudhomme en 1901. Seul écrivain belge à avoir reçu le prix, il fait partie des seize écrivains francophones nobélisés, dont Anatole France (1921), André Gide (1947), Albert Camus (1957), Jean-Paul Sartre (1964, qui refusa le prix), Jean-Marie Le Clézio (2008), Patrick Modiano (2014) et, l'année dernière, Annie Ernaux. En 1911, il fut préféré par le jury suédois à d'autres candidats aux noms prestigieux, tels que Henry James (!), George Bernard Shaw, Thomas Hardy, Anatole France et Pierre Loti (R. Grutman, p. 7). Hasard du calendrier, 1911 est aussi l'année où Marie Curie reçut son prix Nobel pour la découverte du radium.
Médaille en or 22 K (916 ‰, 206,98 gr, diamètre 65 mm, poinçon français pour l'or). Petits chocs.
Médaille dessinée par le sculpteur suédois Erik Lindberg :
- à l'avers profil d'Alfred Nobel avec ses dates de naissance et de mort, daté 1902 ;
- au revers un poète assis sous un laurier, écrivant sous le regard de la Muse, avec la devise extraite de L’Énéide "Inventas vitam iuvat excoluisse per artes" ("en inventant les arts, on embellit notre vie", Virgile, Énéide, VI 663), et dans un cartouche le nom du lauréat et l’année d’obtention du prix.
Diplôme peint et relié (390 x 290 mm). Sous chemise de maroquin bleu nuit à décor mosaïqué de maroquin rouge, ocre, jaune, vert et brun dans un encadrement doré, au plat supérieur : volutes, couronne végétale et couronnes royales entourant les initiales "M.M."; au plat inférieur : volute et petites rosaces entourant une lyre avec branche de laurier (G. Hedberg, Kungl. Hofeboke, Stockholm). Aux contreplats, vélin à grand décor peint par Olle Hjortzberg : entrelacement de branches et de feuillages sur un fond de ciel étoilé où nichent des oiseaux au plumage rouge et bleu, avec les armoiries suédoises et la devise de l’Académie suédoise ("Snille och smak") ; au centre, texte calligraphié à l’encre brune et ocre, en suédois, attribuant le prix de littérature à Maeterlinck, avec la signature autographe de deux académiciens : l’historien Harald Gabriel Hjärne et l’écrivain Carl David af Wirsén, secrétaire permanent de l’Académie suédoise (voir infra pour la retranscription).
Le texte inscrit dans les cartouches centraux indique que l’Académie a choisi Maurice Maeterlinck lors de sa réunion du 27 novembre 1911 en raison de la grande diversité de son œuvre, et particulièrement pour ses créations dramatiques qui se distinguent par une richesse d'imagination et une poétique de l’idéal, provoquant chez le lecteur une profonde émotion à travers une aura de mystère.
Somptueuse réalisation due à la collaboration de deux grands artistes suédois. C'est L’Oiseau bleu, créé en 1908 au Théâtre d'art de Moscou où elle est toujours au répertoire, qui a assuré à Maeterlinck une renommée internationale : le peintre Olle Hjortzberg (1872-1959) y rend hommage dans sa composition. Gustaf Hedberg (1859-1920), le plus important relieur suédois de son époque, connu pour ses luxueuses et remarquables reliures Art Nouveau, a réalisé une reliure en maroquin bleu comme le plumage de l'oiseau.
Selon la volonté d’Alfred Nobel (1833-1896), le prix Nobel, décerné depuis 1901, récompense des personnes se distinguant par leurs œuvres, améliorations, inventions ou découvertes dans les domaines de la littérature, de la paix, de la physique et de la médecine (le prix Nobel de l’économie fut créé en 1968 seulement). C’est l’Académie de Stockholm, composée de 18 membres de l’Académie suédoise, qui désigne le lauréat parmi des candidats proposés par des organisations et des individus considérés comme "qualifiés". La désignation du ou des lauréats se fait en octobre de chaque année et le prix est remis officiellement le 10 décembre, jour anniversaire de la disparition d’Alfred Nobel. Ils reçoivent alors une médaille en or, un diplôme ainsi qu’un document confirmant le montant auquel s’élève le prix.
Un écrivain symboliste récompensé. On mesure parfois mal aujourd'hui l'importance capitale de Maeterlinck dans la littérature mondiale. Mondialement célèbre de son vivant, on lui doit une révolution poétique et théâtrale, et une influence durable sur la littérature mondiale. Son nom est à jamais attaché au symbolisme, l'un des mouvements les plus importants de la fin du XIXe siècle.
Son œuvre a très tôt connu un retentissement international. En Angleterre, c'est sur son exemple que Wilde écrivit Salomé en français ; en Russie, son œuvre était vénérée par les avant-gardes russes, à tel point que Vassily Kandinsky y voit l'origine de sa recherche de l'abstraction ─ Du Spirituel dans l’art, publié l'année où Maeterlinck reçoit le Nobel, y est vénéré comme un maître ; et Edvard Munch aurait été aussi imprégné de l'œuvre de Maeterlinck (Q. Rioual). L’Oiseau bleu, pièce créée à Paris et à Vienne en 1911, après Moscou, Londres et New York, est l'une des pièces qui contribua le plus à sa renommée. Mais son influence ne fut pas seulement littéraire. Outre une adaptation au cinéma (L’Oiseau bleu, 1910), son œuvre connut de nombreuses adaptations musicales et opératiques : outre Claude Debussy en 1902, les plus grands compositeurs se sont inspirés de son œuvre, tels Béla Bartók, Lili Boulanger, Paul Dukas, Ernest Chausson, Gabriel Fauré, Arthur Honegger, Sergueï Rachmaninov, Jan Sibelius, Alexander von Zemlinsky...
Au début du XXe siècle, le prix Nobel reconnaissait l'œuvre d'un auteur de 49 ans ─ qui avait révolutionné plusieurs pans de la littérature. Ne retenir de sa production que le Pelléas et Mélisande serait oublier qu'il s'est illustré aussi bien en poésie, au théâtre que dans les essais ─ le roman était peu pratiqué des symbolistes. Il s'était illustré en poésie (Serres chaudes, 1889, dont l'univers suffocant reflète les impuissances de l'âme, et Douze Chanson, 1896), au théâtre, avec, outre le Pelléas, La Princesse Maleine qui rompit "avec le conformisme théâtral de l’époque, en disqualifiant toute anecdote et en construisant un univers à la fois sourd et violent, peuplé de personnages fantomatiques à la langue elliptique" (J.-M. Klinkenberg), ou le féérique Oiseau bleu (1908), mais aussi par des essais, comme La Vie des abeilles (1901) et L’Intelligence des fleurs (1907).
Maeterlinck et le prix Nobel. Avant l'attribution du prix en 1911, le nom de Maeterlinck avait été proposé plusieurs fois à l'Académie suédoise, comme c'est souvent le cas : en 1902 (son nom avait été proposé par Anatole France) en 1903, en 1908, une campagne menée par la Libre Académie de Belgique donnna plus de poids à la candidature les années suivantes, en 1909 et en 1910. L'Académie avait été prévenue que Maeterlinck n'accordait pas grande importance aux lauriers : n'avait-il pas déjà en 1891 rejeté le prix triennal d’écriture dramatique de l’Académie belge de langue française ? Maeterlinck ne prit pas la peine d'aller à Stockholm pour recevoir le prix, prétextant une blessure pour rester à Nice. Une grande fête le célébra à Bruxelles en 1912, à l'occasion de laquelle Pelléas et Mélisandre fut représenté à la Monnaie en présence du roi Albert.
Plus tard, il sera à nouveau couronné : promu grand officier de l’ordre de Léopold en 1920, anobli par Albert Ier en 1932, il reçoit le prix de la langue-française décerné par l’Académie française en 1948.
[On joint :]
Prix triennal de Littérature dramatique française. Période 1900-1902. [1903.]
Médaille en or 22 K (916 ‰, 42,27 gr., diamètre 44 mm, poinçon français pour l'or).
Avers : Portrait de Léopold II, gravé par A. Michaux ; revers : inscription "Prix triennal de Littérature dramatique française. Période 1900-1902. Maurice Maeterlinck auteur de la pièce intitulée Monna Vanna".
Médaille décernée en 1903 à Maurice Maeterlinck pour sa pièce Monna Vanna. La pièce avait été jouée au Théâtre de l'Œuvre, par Lugné-Poe et Georgette Leblanc, rencontrée en 1895 et qui restera longtemps sa compagne.
En 1891, Maeterlinck avait refusé le Prix Triennal de Littérature Dramatique que voulait lui décerner l’Académie Royale de Belgique pour La Princesse Maleine, ─ geste par lequel l'auteur entendait ne pas cautionner les injustices commises à l’égard de ses aînés, notamment Camille Lemonnier. Ce refus ne l'empêcha pas d'envoyer, deux ans plus tard, un exemplaire de Pelléas en 1893 à l'Académie, pour l'"embêter". Il reçut à nouveau le prix en 1912, pour L'Oiseau bleu.
J.-M. Klinkenberg, "Maurice Maeterlinck (1862-1949), Prix Nobel de littérature", en ligne : https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/39641
R. Grutman, "Maeterlinck, 150 ans après. Présentation du dossier", @nalyse, vol. 7 nº 3, 2012, p. 1-11 [en ligne].
"Maurice Maeterlinck, les années avant le Prix Nobel", brochure publiée par le Musée provincial Émile Verhaeren à l'occasion de l'exposition Maeterlinck-Verhaeren & le prix Nobel 1911, Saint-Amand (Belgique), 2011.
A figuré en 2011 à l'exposition Maeterlinck-Verhaeren & le prix Nobel 1911, au Musée provincial Émile Verhaeren, à Saint-Amand (Belgique), du 4 juin au 31 août.