Certain works crystallize, through their uniqueness, a pivotal moment in an artist’s trajectory. Painted in 1920 by Henri Matisse, Nu sur la chaise longue undoubtedly belongs to this category. At the crossroads of the decorative explorations undertaken in Nice from 1917 and a quest for balance that would lead him to the great odalisques, this painting marks a key transition in his work. Breaking away from the avant-garde, Matisse rediscovers his modern predecessors while pursuing a path of his own, where color and line become the language of a new sensuality.
After the chromatic boldness of Fauvism and his ventures into abstraction, Matisse feels the need to reevaluate his pictorial approach. In a context where war-torn Europe swings between a return to order and modernity, this search leads him to question the very foundations of his art. While some artists commit to a radical avant-garde and others revisit tradition, Matisse seeks a personal balance and turns to the figures of the previous generation. In 1916, he began a dialogue with Claude Monet, and in 1917, a regular correspondence with Pierre Bonnard, which would continue for three decades. However, it is his decisive meeting with Pierre-Auguste Renoir in 1918 at Cagnes-sur-Mer that marks a turning point. Observing the aging master, he discovers how Renoir combines the freedom of gesture with the sensuality of form, a lesson that inspires him to free his line and lighten his touch. Inspired by this example, Matisse then develops a style where the suppleness of drawing, the fluidity of color, and the sensuality of gesture become essential. Nu sur la chaise longue illustrates this evolution and heralds a new vision of the female nude that would profoundly influence his work.
“Matisse was not yet known as a painter of sensual nudes; he had not been primarily a painter of nudes at all, and most of those he had done were not notably erotic. His libidinous impulses had been largely sublimated in his painting, embedded in the pictorial language rather than overtly expressed in the subject. Renoir gave him the impetus to make new contact with own sensuality. After twenty years of bourgeois family life, decades of being ‘the doctor’ and ‘professor’, Matisse in his late forties seems to have wanted to learn how to be young again.”
In this quest for renewal, the choice of location gives Nu sur la chaise longue a notable singularity. Far from Nice, where he was making increasingly frequent trips at this time, Matisse created this painting in his studio in Issy-les-Moulineaux. This more austere setting fosters a stripped-down approach, contrasting with the lush interiors of his Nice paintings. Here, the space is reduced to a few essential elements: a table adorned with a bouquet, a chaise longue draped in a white sheet, a carpet, and a sketched background. The viewer’s attention is therefore focused on what matters most: the harmony of shapes and the model. This model, probably Antoinette Arnoux, whom Matisse employed in 1918, occupies a special place in his work. She accompanies the artist between Nice and Issy, bringing a new dynamic to his painting. Unlike earlier models, often from his family circle, Antoinette Arnoux, a professional model, introduces a distance that transforms the way Matisse approaches the female figure. In Nice, she poses draped in fabric or nude in front of an open window overlooking the sea, as evidenced by Femme au divan (1920/1921, Basel, Kunstmuseum), painted a few months later. In Issy, she is depicted in more intimate scenes, where the softness of the modeling and subtlety of the tones reveal the meticulous attention the artist pays to light and flesh, as seen in Nu sur la chaise longue.
In many ways, Nu sur la chaise longue foreshadows the famous odalisques that would define the 1920s. While this work still emphasizes a certain purity, this will only be temporary. Gradually, Matisse’s compositions will become more laden with motifs and decorative details, as demonstrated by Odalisque à la culotte rouge (1921, Paris, Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou), where the space is adorned with lush ornaments. Throughout the decade, Matisse deepens the motif of the reclining or seated female figure in an armchair, often bathed in Mediterranean light. While Nu sur la chaise longue does not present an opening to the outside, it nonetheless testifies to his fascination with the figure offered for the gaze, in a posture both natural and carefully orchestrated. In contrast to the formal analyses of Cubism, which fragment space, Matisse favors the continuity of lines, the softness of forms, and the subtlety of colors.

Far from being a simple study of the nude, this work embodies a crucial stage in Matisse’s pictorial reflection, Nu sur la chaise longue illustrates how, at the turn of the 1920s, Matisse absorbs the lessons of the past to better extract a timeless modernity. Through this subtle balance and the delicate interplay between presence and absence, it reflects a synthesis of past influences and new aspirations, perhaps expressing the quest for serenity of a painter in the aftermath of war. It subtly heralds the great decorative ensembles to come, where the female figure, now a central motif, will be exalted through a pictorial language of radical purity.
Certaines œuvres cristallisent, par leur singularité, un moment charnière dans la trajectoire d’un artiste. Peint en 1920 par Henri Matisse, Nu sur la chaise longue appartient indéniablement à cette catégorie. A la croisée des recherches décoratives entreprises à Nice dès 1917 et d’une quête d’équilibre qui le conduira aux grandes odalisques, cette toile marque une transition essentielle dans son œuvre. S’émancipant des avant-gardes, Matisse redécouvre ses prédécesseurs modernes tout en poursuivant une voie propre, où la couleur et la ligne deviennent le langage d’une sensualité nouvelle.
Après les audaces chromatiques du fauvisme et ses incursions vers l’abstraction, Matisse ressent la nécessité de réévaluer son approche picturale. Dans un contexte où l’Europe, marquée par la guerre, oscille entre retour à l’ordre et modernité, cette quête l’amène à interroger les fondements même de son art. Tandis que certains artistes s’engagent dans une avant-garde radicale et que d’autres revisitent la tradition, Matisse cherche un équilibre personnel et se tourne vers les figures de la génération précédente. Si en 1916, il avait entamé un dialogue avec Claude Monet, puis en 1917, une correspondance régulière avec Pierre Bonnard, qui perdurera trois décennies, c’est surtout sa rencontre décisive avec Pierre-Auguste Renoir, en 1918, à Cagnes-sur-Mer qui marque un tournant. Observant le maître vieillissant, il découvre la façon dont Renoir conjugue liberté du geste et sensualité des formes, une leçon qui l’incite à libérer son trait et à alléger sa touche. Nourri par cet exemple, Matisse forge alors un style où la souplesse du dessin, la fluidité chromatique et la sensualité du geste deviennent essentielles. Nu sur la chaise longue illustre cette évolution et annonce une nouvelle vision du nu féminin qui marquera durablement son œuvre.
“Matisse n’était pas encore connu comme un peintre de nus sensuels; il n’était pas du tout un peintre de nus, et la plupart de ceux qu’il avait réalisés n’étaient pas particulièrement érotiques. Ses pulsions libidineuses avaient été largement sublimées dans sa peinture, intégrées dans le langage pictural plutôt qu’exprimées ouvertement dans le sujet. Renoir lui a donné l’élan nécessaire pour reprendre contact avec sa propre sensualité. Après vingt ans de vie de famille bourgeoise, des décennies à être ‘le docteur’ et ‘le professeur’, Matisse, à la fin de la quarantaine, semble avoir voulu réapprendre à être jeune.”

Dans cette quête de renouvellement, le choix du lieu d’exécution confère à Nu sur la chaise longue une singularité notable. Loin de Nice, où il effectue des allers-retours de plus en plus fréquents à cette période, Matisse réalise cette toile dans son atelier d’Issy-les-Moulineaux. Ce cadre plus austère favorise une approche épurée, contrastant avec les intérieurs luxuriants de ses toiles niçoises. Ici, l’espace est réduit à quelques éléments essentiels : une table ornée d’un bouquet, une chaise longue recouverte d’un drap blanc, un tapis, un arrière-plan esquissé. L’attention du spectateur se porte ainsi sur l’essentiel : l’harmonie des formes et le modèle. Ce modèle, probablement Antoinette Arnoux, engagée par Matisse en 1918, occupe une place particulière dans son travail. Elle accompagne l’artiste entre Nice et Issy, apportant à sa peinture une nouvelle dynamique. Contrairement aux modèles antérieurs, souvent issus du cercle familial, Antoinette Arnoux, professionnelle, instaure une distance qui transforme la manière dont Matisse aborde la figure féminine. A Nice, elle pose drapée de tissus ou nue devant une fenêtre ouverte sur la mer, comme en témoigne Femme au divan (1920/1921, Bâle, Kunstmuseum) réalisée quelques mois plus tard. A Issy, elle est représentée dans des scènes plus intimistes, où la douceur du modelé et la subtilité des teintes révèlent l’attention minutieuse que l’artiste porte à la lumière et à la carnation, ainsi qu’en atteste Nu sur la chaise longue.
A bien des égards, Nu sur la chaise longue annonce les célèbres odalisques qui marqueront les années 1920. Si cette œuvre privilégie encore une certaine épure, celle-ci ne sera que provisoire. Progressivement, les compositions de Matisse se chargeront de motifs et de détails décoratifs, comme en témoigne Odalisque à la culotte rouge (1921, musée national d’art moderne, Paris), où l’espace se pare d’ornements luxuriants. Tout au long de la décennie, Matisse approfondit le motif du modèle féminin allongé ou assis dans un fauteuil, souvent baigné d’une lumière méditerranéenne. Si Nu sur la chaise longue ne présente pas d’ouverture vers l’extérieur, l’œuvre témoigne néanmoins de cette même fascination pour la figure offerte au regard, dans une posture à la fois naturelle et soigneusement orchestrée. A l’opposé des analyses formelles du cubisme qui morcellent l’espace, Matisse privilégie la continuité des lignes, la douceur des formes et la subtilité des couleurs.
Loin d’être une simple étude de nu, cette œuvre incarne une étape essentielle dans la réflexion picturale de Matisse. Nu sur la chaise longue illustre comment, au tournant des années 1920, Matisse absorbe les leçons du passé pour mieux en extraire une modernité intemporelle. Par son équilibre subtil et ce jeu délicat entre présence et absence, elle témoigne d’une synthèse entre influences passées et aspirations nouvelles, traduisant peut-être la quête de sérénité d’un peintre au lendemain de la guerre. Elle annonce en filigrane les grands ensembles décoratifs à venir, où la figure féminine, devenue motif central, sera sublimée par un langage pictural d’une pureté radicale.