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Attribué à Jacopo Robusti dit Le Tintoret
Description
- Attribué à Jacopo Robusti dit Le Tintoret
- La bataille de Lépante
- Huile sur toile
- 180 x 320 cm ; 70 7/8 by 126 in
Provenance
Collection privée, Berlin ;
En dépôt temporaire, Berlin, en 1936 ;
En dépôt temporaire, Kassel, dans les années 1980 ;
En dépôt temporaire au Ministère de l’économie et de la technique de la Hesse, dans les années 1980 ;
Collection du docteur Alfred Leffman, Münich et Bad König, de 1986 à 2001.
Exhibited
Venezia e la Difesa del Levante. Da Lepanto a Candia 1570-1670, Venise, Palazzo Ducale, 1986, n° 11, reproduit en couleur (Tintoret et atelier. Modello pour la première version de la Bataille de Lepante perdue dans l’incendie de 1577) ;
Rom in Bayern. Kunst und Spiritualität der ersten Jesuiten, Münich, Bayerisches Nationalmuseum, 1997, n° 19, reproduit en couleur (entourage de Tintoret ou Tintoret et atelier).
Literature
E. von der Bercken, Die Gemälde des Jacopo Tintoretto, Münich, 1942, p. 105 (Tintoret et atelier) ;
W. Wolters, Der Bilderschmuck des Dogenpalastes, Wiesbaden, 1983, p. 217 ;
M. Morin, « La Battaglia di Lepanto », Venezia e i Turchi. Scontri e confronti di due civilità, Venise, 1985, pp. 210-231 ;
R. Keil, « Einige ikonographische Bemerkungen zur « Schlacht von Lepanto » von Paolo Veronese in der Galleria dell’Accademia in Venedig », in Arte Veneta 40, 1986, pp. 85-94 ;
Catalogue de l’exposition, Venezia e la difesa del Levante : Da Lepanto a Candia 1570 – 1670, Venise, Palazzo Ducale, 1986 (W. R. Rearick note. 11) ;
I. Dobele, « Die Künstler und die Seeschlacht von Lepanto (1571) im 16. Und 17. Jahrhundert », Europa und der Orient 800-1900. Lesebuch, Berlin, 1989, pp. 68-75 ;
Catalogue de l’exposition Venezia da Stato a Mito, Venise, Isola di San Giorgio Maggiore, Fondazione Giorgio Cini, 1997, cité sous le n° 18 pp. 332 et 333 (Tintoret et atelier. « modello di Tintoretto » pour l’œuvre du Palais des Doges).
Condition
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Catalogue Note
Le 7 octobre 1571 au matin, les flottes de Venise, d’Espagne et du pape combattent sous le commandement suprême de Don Juan d’Autriche, frère du roi d’Espagne et affrontent les navires turcs près de Lépante dans le Golfe de Corinthe.
Après la sanglante prise de Chypre par les troupes ottomanes, le pape Pie V organise en effet le 25 mai 1571 une ligue des Etats chrétiens capable de s’opposer à l’expansion turque de plus en plus oppressante. Parmi les troupes alliées, se rallient aux escadres pontificales sous les ordres de Marc Antoine Colonna, les vénitiens, dirigés par Sebastiano Veniero, profitant de cette occasion pour se venger de leur humiliation ; les galères du duc de Savoie sous le commandement du général niçois André Provana de Leyni ; les navires génois sous les ordres de l’amiral Giovanni Andrea Doria et les escadres espagnoles sous le commandement de Don Juan d’Autriche. A l’aube du dimanche 7 octobre 1571, la flotte prodigieuse des alliés, que nous voyons à l’arrière-plan, longe la côte ouest du Golfe de Corinthe et se place en arc de cercle. La flotte ottomane est encore plus formidable, leurs galères sont armées de canons lourds. Mais les turcs, dans la partie droite de notre tableau, sont surpris et n’ont pas le temps de parer les premiers coups portés par les vaisseaux vénitiens. La galère espagnole de Don Juan d’Autriche s’attaque immédiatement au vaisseau de l’amiral turc, Ali Pacha. Après un furieux corps à corps, Don Juan d’Autriche lui coupe la tête. Pendant ce temps le vaisseau des troupes de Savoie est pris d’assaut par deux navires turcs. Le navire du marquis de Santa Croce vient à sa rescousse, aborde le navire turc qui sombre et laisse le Golfe plein de décombres.
Pour célébrer cette victoire, le Sénat vénitien décide très rapidement, le 8 novembre 1571, de faire peindre une grande toile dans la Sala dello Scrutinio. Les négociations engagées avec le Titien prennent beaucoup de temps. Le conseil charge alors l’ambitieux Tintoret de réaliser le grand tableau. Tintoret voulait leur démontrer en effet tout l’attachement qu’il avait pour sa ville en faisant apparaitre cette victoire heureuse parmi les ombres et les lumières de ses couleurs. Il leur avait promis en outre de ne rien demander en retour et de s’engager à terminer le travail en un an. Tintoret tint ses promesses. La peinture fut exécutée en dix mois et fut ainsi mise en place presque un an après la victoire, le 9 octobre 1572. Brulée en 1577, la grande toile de Tintoret fut remplacée par celle d’Andrea Vicentino livrée en 1590 (voir fig n°2).
Notre tableau pourrait être considéré comme le modello de ce grand tableau de Tintoret. Le modello est une étude préparatoire, l’idée la plus aboutie du tableau final, qui est soumis à l’approbation des commanditaires. Comme sa définition l’indique, il ne s'agit pas de la version final du tableau et des variantes peuvent être décelées. Or le tableau final de Tintoret a été détruit en 1577. N’ayant aucune autre idée de ce qu'il pouvait représenter, notre tableau est unique et précieux.
La fraicheur picturale et l’improvisation rapide, l’effet de matière et la composition géniale ne perturbent en rien la lecture des faits. Au contraire, tous les fanions sont lisibles et trahissent même la direction du vent. Les navires se succèdent et se croisent, s’affrontent mais ne s’amalgament pas. Notre artiste tient à rester fidèle aux évènements historiques, se plaçant loin de l’allégorie. L’amoncellement de couleurs et des lignes, construites seulement par la position des navires, les uns à côtés des autres et leurs mats parallèles dynamise l’image et forme un témoignage direct, fort et convainquant de ce qu’a pu être la bataille.
Il n’est pas rare de voir chez Tintoret une étude d’aussi grandes dimensions. Le modello pour Le Couronnement de la Vierge, dit aussi Le Paradis, au-dessus de la tribune du doge dans la salle du Grand Conseil du Palais en 1582, est une toile d’aussi grandes dimensions, 169,5 x 494 cm, conservée aujourd’hui au musée Thyssen Bornemisza à Madrid. Ces modelli servaient d’études pour d’autres de ses tableaux. Nous retrouvons en effet la Bataille de Lépante derrière le Portrait de Sebastiano Veniero avec un page (huile sur toile, 195 x 130 cm) peint par Tintoret en 1577 et conservé dans une collection particulière (Vente anonyme, Milan, Sotheby's, 1er juin 2004, n° 189, reproduit en couleurs).
En novembre 1571, Tintoret est un artiste réputé et ambitieux. Il vient de terminer le cycle de la Scuola di San Rocco. Le célèbre épisode de sa prise de pouvoir pour s’assurer la commande du plafond et des murs de la Sala dell’Albergo (1564-1567) de San Rocco dévoile son caractère ambitieux et sa ferme volonté d’exécuter seul toutes les œuvres de la ville.
En effet, en 1557, le conseil de la Scuola décide de décorer la Sala dell’Albergo. Un concours mettait en concurrence Tintoret, Paolo Véronèse, Giuseppe Salviati et Taddeo Zuccarro. Il leur était demandé de réaliser un dessin de leur futur projet. Tintoret ne répond pas aux règles du concours et prend le pouvoir de la commande. Il peint son œuvre sur toile et la met directement en place sur le plafond. En justifiant ces actes, il prononça ces paroles qui s’accordent parfaitement avec notre tableau : « c’était là son mode de dessiner, qu’il ne savait pas opérer autrement et que les modèles et les dessins des œuvres devaient être traités ainsi afin de ne tromper personne ».