Lot 78
  • 78

Matteo Stom le Jeune

Estimate
120,000 - 180,000 EUR
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Description

  • Matteo Stom le Jeune
  • Venise, Le Molo et le bassin San Marco le jour de l’Ascension
  • Signée en bas à droite sur une embarcation Matteo Stom Fecit
  • Huile sur toile
    Porte une inscription au dos sur le châssis V. 43660
  • 114 x 165,5 cm ; 44 7/8 by 65 in

Provenance

Collection Biencourt-Poncins (d'après un ex-libris sur le châssis), très probablement Château d'Azay-le-Rideau.

Condition

A l'œil nu : Le tableau apparait dans un état de conservation satisfaisant. Il a fait l'objet d'un réentoilage réalisé dans la première moitié du XXème siècle, un peu fort mais correctement réalisé. Il est sous un léger vernis ancien qui a besoin d'un nettoyage. On remarque une restauration dans le coin supérieur gauche de 5 cm de longueur sur 12 cm de hauteur, ancienne déchirure restaurée. Quelques reprises dans le ciel. Nous signalons un autre accident restauré de 3 cm de diamètre, dans le ciel au-dessus du Palais Ducale. A la lumière UV : Le tableau apparait sous un vernis vert partiellement allégé dans le ciel. On remarque les restaurations déjà signalées dans le ciel. Les architectures sont surlignées de quelques fines reprises, et on remarque quelques légères restaurations fines, essentiellement entre les embarcations. To the naked eye: The painting appears in satisfactory condition. It has been correctly relined but a little bit too strong, on the first half of the 20th century. The painting appears under a light old varnish that needs to be cleaned. We notice a restoration on the upper left corner of 5 cm. length and 12 cm. high, of an old tear restored. We notice some repaints in the sky. We also notice another tear of 3 cm. of diameter restored, in the sky above the Palazzo Ducale. Under U. V. light: The painting appears under a green varnish, partially lightened in the sky. We notice the restorations already mentioned in the sky. The architectures are underlined by some light repaints and we notice some light thin restorations, essentially on the boats.
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Catalogue Note

Nous remercions le Professeur Lino Moretti pour les informations contenues dans cette notice

L’œuvre que nous vous présentons, inédite, est à rajouter au mince corpus d’œuvres attribuées avec certitude à Matteo Stom. Elle représente le Bucentaure naviguant sur le Grand Canal et se dirigeant vers l’Adriatique, où sera scellée, pour une nouvelle année, l’union entre Venise et la mer. Ce mariage, toujours célébré le jour de l’Ascension, se matérialise par le lancer d’un anneau d’or dans l’Adriatique par le Doge de la Sérénissime. Cet épisode emblématique de la vie de Venise rencontra un certain succès auprès des peintres vénitiens du XVIIe et du XVIIIe siècle. Parmi de nombreux exemples, on citera Canaletto ou Guardi qui s’inspirèrent de cet évènement.
Cette scène semble s’apparenter au début de la cérémonie, lorsque le Bucentaure quitte le Môle et passe devant le palais ducal. Auparavant, le Doge est monté à bord de la galère dans tout son apparat. La profusion des détails, la prédominance des tonalités brunes desquelles se détachent des rouges vifs sont autant d’éléments caractéristiques de la production de Matteo Stom. Le traitement très spécifique de la topographie, comportant des éléments lointains, avec une ligne d’horizon assez haute apparaissent également comme des composantes de son œuvre. On peut citer à cet égard Saint Nicolas de Tolentino éteignant l’incendie du Palais Ducal de Venise (fig.1).
Une étude de la composition et des différentes embarcations représentées nous a permis de dater l’oeuvre.
L’emblème doré à trois bandes bleues qui se voit dans le drapeau du Bucentaure est celui d'Alvise Contarini qui fut Doge du 26 août 1676 au 15 janvier 1684. Sur le flanc de la luxueuse embarcation noir et or qui se voit au premier plan, on dénote la tiare pontificale du Pape Innocent XI Odescalchi, élu le 21 septembre 1676. Il s’agit donc de l’embarcation du nunzio apostolico (l’ambassadeur du Pape) qui était alors le lombard Carlo Francesco Airoldi, envoyé à Venise le 29 novembre 1675. En 1678, les relations entre la République de Venise et le Pape se dégradèrent à tel point que le nunzio s’installa l’hiver de cette même année à Milan jusqu’à sa mort en 1683. Il est donc complètement improbable qu’après cette date le bateau du nunzio assiste au Mariage avec la mer. On peut donc en conclure que le tableau représente la Fête de l’Ascension du 27 mai 1677 ou du 19 mai 1678.
Vers la gauche, on peut contempler une embarcation luxueuse, sans doute française, dépeinte en or et bleu, avec un emblème bleu arborant trois fleurs de lys, surmontées de la couronne de Marquis ou de Duc. Juste au-devant de celle-ci, au centre de la composition et à côté du Bucentaure, l’embarcation dorée de l’Ambassadeur de France, dont l’emblème avec les trois fleurs de lys est visible. Concernant le grand bateau à gauche de la composition, il nous a été suggéré qu'il pourrait s’agir d’un des vaisseaux offerts à la République de Venise par le consul hollandais Jacob Strijcker (consul de 1648 à 1678) : le San Giovanni, le Jupiter ou le Lioncorno Bianco. Toutefois si le bateau avait été offert à la République de Venise, il devrait plutôt arborer le drapeau vénitien.
En regardant toutes ces luxueuses embarcations, l’observateur attentif pourrait se demander pourquoi elles sont vides. En fait les embarcations portaient les diplomates et invités de haut rang de leurs palais jusqu’au Môle où ils étaient accueillis dans le Bucentaure. Les embarcations vides suivaient le Bucentaure qui, du Port de San Nicolo sortait de la Lagune à la Mer Adriatique, dans laquelle le Doge jettait l’anneau d’or en prononçant les paroles : Desponsamus te mare in signum veri perpetuique dominii. Puis le cortège revenait devant le Palais Ducal où les invités reprenaient leur embarcations. La position prépondérante de l’embarcation du Roi de France, pourrait signifier que le tableau aurait pu être une commande de l’Ambassadeur de France qui était entre 1676 et 1678 l’Abbé Jean-François d’Estrades. Mais ceci reste une hypothèse.

Le travail du professeur Lino Moretti[1] a permis d’éclaircir la vie et le parcours de Matteo Stom. Dans son article consacré aux cinq Stom vénitiens, documents d’archives à l’appui, il confirme la thèse selon laquelle Matteo Stom était le fils illégitime du célèbre peintre hollandais Matthias Stomer. Deux ans plus tard naquit son frère cadet Zuanne, qui lui aussi sera peintre. A priori, leur père les abandonna (selon Orlandi [2]). Matteo eut sept enfants dont trois devinrent aussi peintres : Iseppo Lucca (1669-1729), Antonio Zuanne (1672-1734), et Alejandro Magno (1678- après 1735). Tous les trois travaillaient ensemble. 


[1] L. Moretti, « Antonio Stom » in Canaletto, Venezia e i suoi splendori, Venise 2008, pp. 114 -117
[2] P. A. Orlandi, Abecedario pittorico, Bologne, 1704.