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Matteo Stom le Jeune
Description
- Matteo Stom le Jeune
- Venise, Le Molo et le bassin San Marco le jour de l’Ascension
- Signée en bas à droite sur une embarcation Matteo Stom Fecit
- Huile sur toile
Porte une inscription au dos sur le châssis V. 43660 - 114 x 165,5 cm ; 44 7/8 by 65 in
Provenance
Condition
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Catalogue Note
L’œuvre que nous vous présentons, inédite, est à rajouter au mince corpus d’œuvres attribuées avec certitude à Matteo Stom. Elle représente le Bucentaure naviguant sur le Grand Canal et se dirigeant vers l’Adriatique, où sera scellée, pour une nouvelle année, l’union entre Venise et la mer. Ce mariage, toujours célébré le jour de l’Ascension, se matérialise par le lancer d’un anneau d’or dans l’Adriatique par le Doge de la Sérénissime. Cet épisode emblématique de la vie de Venise rencontra un certain succès auprès des peintres vénitiens du XVIIe et du XVIIIe siècle. Parmi de nombreux exemples, on citera Canaletto ou Guardi qui s’inspirèrent de cet évènement.
Cette scène semble s’apparenter au début de la cérémonie, lorsque le Bucentaure quitte le Môle et passe devant le palais ducal. Auparavant, le Doge est monté à bord de la galère dans tout son apparat. La profusion des détails, la prédominance des tonalités brunes desquelles se détachent des rouges vifs sont autant d’éléments caractéristiques de la production de Matteo Stom. Le traitement très spécifique de la topographie, comportant des éléments lointains, avec une ligne d’horizon assez haute apparaissent également comme des composantes de son œuvre. On peut citer à cet égard Saint Nicolas de Tolentino éteignant l’incendie du Palais Ducal de Venise (fig.1).
Une étude de la composition et des différentes embarcations représentées nous a permis de dater l’oeuvre.
L’emblème doré à trois bandes bleues qui se voit dans le drapeau du Bucentaure est celui d'Alvise Contarini qui fut Doge du 26 août 1676 au 15 janvier 1684. Sur le flanc de la luxueuse embarcation noir et or qui se voit au premier plan, on dénote la tiare pontificale du Pape Innocent XI Odescalchi, élu le 21 septembre 1676. Il s’agit donc de l’embarcation du nunzio apostolico (l’ambassadeur du Pape) qui était alors le lombard Carlo Francesco Airoldi, envoyé à Venise le 29 novembre 1675. En 1678, les relations entre la République de Venise et le Pape se dégradèrent à tel point que le nunzio s’installa l’hiver de cette même année à Milan jusqu’à sa mort en 1683. Il est donc complètement improbable qu’après cette date le bateau du nunzio assiste au Mariage avec la mer. On peut donc en conclure que le tableau représente la Fête de l’Ascension du 27 mai 1677 ou du 19 mai 1678.
Vers la gauche, on peut contempler une embarcation luxueuse, sans doute française, dépeinte en or et bleu, avec un emblème bleu arborant trois fleurs de lys, surmontées de la couronne de Marquis ou de Duc. Juste au-devant de celle-ci, au centre de la composition et à côté du Bucentaure, l’embarcation dorée de l’Ambassadeur de France, dont l’emblème avec les trois fleurs de lys est visible. Concernant le grand bateau à gauche de la composition, il nous a été suggéré qu'il pourrait s’agir d’un des vaisseaux offerts à la République de Venise par le consul hollandais Jacob Strijcker (consul de 1648 à 1678) : le San Giovanni, le Jupiter ou le Lioncorno Bianco. Toutefois si le bateau avait été offert à la République de Venise, il devrait plutôt arborer le drapeau vénitien.
En regardant toutes ces luxueuses embarcations, l’observateur attentif pourrait se demander pourquoi elles sont vides. En fait les embarcations portaient les diplomates et invités de haut rang de leurs palais jusqu’au Môle où ils étaient accueillis dans le Bucentaure. Les embarcations vides suivaient le Bucentaure qui, du Port de San Nicolo sortait de la Lagune à la Mer Adriatique, dans laquelle le Doge jettait l’anneau d’or en prononçant les paroles : Desponsamus te mare in signum veri perpetuique dominii. Puis le cortège revenait devant le Palais Ducal où les invités reprenaient leur embarcations. La position prépondérante de l’embarcation du Roi de France, pourrait signifier que le tableau aurait pu être une commande de l’Ambassadeur de France qui était entre 1676 et 1678 l’Abbé Jean-François d’Estrades. Mais ceci reste une hypothèse.
Le travail du professeur Lino Moretti[1] a permis d’éclaircir la vie et le parcours de Matteo Stom. Dans son article consacré aux cinq Stom vénitiens, documents d’archives à l’appui, il confirme la thèse selon laquelle Matteo Stom était le fils illégitime du célèbre peintre hollandais Matthias Stomer. Deux ans plus tard naquit son frère cadet Zuanne, qui lui aussi sera peintre. A priori, leur père les abandonna (selon Orlandi [2]). Matteo eut sept enfants dont trois devinrent aussi peintres : Iseppo Lucca (1669-1729), Antonio Zuanne (1672-1734), et Alejandro Magno (1678- après 1735). Tous les trois travaillaient ensemble.
[1] L. Moretti, « Antonio Stom » in Canaletto, Venezia e i suoi splendori, Venise 2008, pp. 114 -117
[2] P. A. Orlandi, Abecedario pittorico, Bologne, 1704.