Lot 4
  • 4

Alexander Calder

Estimate
800,000 - 1,200,000 EUR
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Description

  • Alexander Calder
  • Sans Titre
  • métal peint et fer
  • 86 x 71 cm; 34 x 28 in.
  • Exécuté circa 1947.

Provenance

Acquis directement auprès de l'artiste et transmis par descendance au propriétaire actuel

Condition

The colours are fairly accurate in the catalogue illustration, although the image does not convey the intensity of the Prussian blue of the element located at the bottom, next to the lower red element. This work is in very good condition; the elements move smoothly and freely. Only visible under very close inspection, scattered dots of careful restoration correspond to the usual nicks to the shaped elements due to the nature and age of the mobile. The lower blue element has been carefully restored.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

 « Avant tout, l’art doit être joyeux et jamais lugubre ». Celui qui fit de l’enchantement son mot d’ordre  ne pouvait mieux destiner son œuvre - un mobile exécuté vers 1947 oscillant de disques rouges, jaunes, blancs et noirs - en l’offrant à un pédiatre réputé du tout New-York des années 1950.  Suspendu dans le cabinet de la 65ème rue,  le mobile dut intriguer et distraire ceux qui levaient vers lui leurs yeux d’enfants. Proche de Paul Strand, de Walter et Naomi Rosenblum, de Larry Elgart entre autres,  il était devenu l’ami de Calder et le récipiendaire de l’oeuvre à la suite d’une demande pour le moins cocasse: l’artiste demanda au pédiatre de soigner le grand âge de sa mère. Après quelque réticence et pour le remercier d’avoir consenti à ce grand écart, Calder arriva un jour, sourire aux lèvres et mobile sous le bras. Réalisé vers 1947, probablement dans l’atelier de Roxbury (où Calder réalise l’essentiel de son œuvre avant de s’installer définitivement en France, en 1960, dans l’atelier de Saché), le mobile date de l’époque où Jean-Paul Sartre identifie les objets volants : « Un mobile : une petite fête locale, un objet défini par son mouvement et qui n’existe pas en dehors de lui […], un jeu pur de mouvement comme il y a de purs jeux de lumière » (Paris, Galerie Louis Carré, Mobiles, Stabiles, Constellations, 1946 ; catalogue, préface) et où, à la lueur de leur poésie virevoltante, André Masson lui envoie ce poème « Bonjour forgeron de géantes libellules / sourcier du mercure ta fontaine montrait / une eau lourde comme les pleurs./ Mais un carrousel de petites lunes écarlates me réjouis./ Je pense à un cirque transparent / c’est une feuille traversée par le soleil./ Tu as vu un jour vert un oiseau rouge / à la poursuite d’un oiseau jaune (L’Atelier d’Alexander Calder, poème manuscrit, 1943 in New York, Buchholz Gallery, décembre 1947 ; catalogue, extrait).

Soixante ans plus tard, l’enchantement est intact. Calder et mobile sont devenus synonymes de fantaisie, légèreté, ingénuité. Si cet engouement visuel, sensitif et métaphorique est ce qui tend à caractériser l’œuvre de Calder (il suffit, pour s’en convaincre, de poser la question au spectateur d’un mobile), il serait caduque de le résumer à cela : un objet ludique. Derrière sa bonhomie, qui est vraiment Calder ? L’inventeur du siècle. Que sont donc ses mobiles ? Des œuvres abstraites. Mieux encore : ils sont la première abstraction en trois dimensions.

En 1930, à une époque où les figurines du Cirque se multiplient et séduisent le tout-Paris (où il arrive en 1926), Calder visite l’atelier du leader de De Stijl : « Ma première incitation à travailler dans l’abstrait m’est venue lors d’une visite à l’atelier de Mondrian, à l’automne 1930 […]. Je ne sais pas si vous connaissez son atelier comme il était alors – un mur blanc, assez haut, avec des rectangles de carton peints en jaune, rouge, bleu, noir, et une variété de blancs, punaisées pour former une belle et grande composition […]. Je suis retourné chez moi et j’ai peint des abstractions pendant deux semaines – puis je suis revenu aux matériaux avec lesquels j’étais plus à l’aise […] » (Alexander Calder, lettre du 4 novembre 1934, Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington D C, A.E. Gallatin Papers). En 1932, Duchamp baptise les mobiles (c’est Arp qui donnera leur nom aux stabiles inventés en 1943). En 1935, après les mobiles motorisés (œuvres où la formation d’ingénieur mécanicien de Calder est la plus palpable), les premiers mobiles éoliens - auxquels appartient le mobile exécuté vers 1947 – sont créés. Polymorphe considérant qu’est mobile toute œuvre dont un des éléments au moins est susceptible de se mouvoir, le corpus des mobiles comprendra à leur suite et pêle-mêle mobiles sur pied, mobiles posés-traversés, tables mobiles et mobiles monochromes.  Le mobile exécuté vers 1947 est un exemple particulièrement consommé de la conception abstraite de Calder qui n’est ni l’abstraction puriste du néo-plasticisme, ni abstraction personnelle de tendance expressionniste. Ce qui est hors norme avec Calder, c’est que le phénomène d’abstractisation du réel, sans passer par la nature, ne cesse de la suggérer. Preuves en sont les formes organiques (biomorphiques pourrait-on dire pour employer un terme applicable à l’esthétique d’un Arp ou d’un Miro que Calder retrouve au sein du Groupe Abstraction-Création en 1931) suspendues aux fils de ses premiers mobiles. Or, par quel degré de simplification des formes le mobile exécuté vers 1947 n’est-il pas passé pour arborer, dans des circonférences différentes, des sphères désarmantes de pureté ? De même, au sein et jusque dans les démembrements du même mobile, comment ne pas voir dans l’association des quatre couleurs pures – le rouge, le jaune, le noir et le blanc – l’expression maîtrisée et sophistiquée de la règle peu ou prou idéologique du contraste maximal ? Pour ces raisons qui mènent à la fusion et à l’éclatement simultanés de la forme et de la couleur (un phénomène qui se retrouvera dans les mobiles monumentaux entrepris dans les années 1950 et 1960), le mobile exécuté vers 1947 peut être considéré comme l’archétype du mobile où la clarté formelle se trouve relayée – comme l’écho d’un ballet –  par la simplicité d’un chromatisme essentiel.

Le dessin et la couleur des formes ayant trait à la peinture, comment le mobile accède-t-il au rang de première abstraction dans l’espace ? Par le mouvement. « Fidèle à l’intuition née dans l’atelier de Mondrian » (Arnaud Pierre, Calder La sculpture en mouvement, Paris, 1996, p. 57), Calder imagine la répartition de ces éléments à l’extrémité et tout autour de tiges de métal dont l’esthétique gracile fait corps avec la fonction architectonique. A contre-courant de l’intangibilité de la vision à laquelle aboutit l’application des théories du néo-plasticisme, Calder invente l’équilibre des forces en mouvement. Parce qu’il est capable de calculer des trajectoires, d’appréhender des variations d’énergies et de placer à l’endroit crucial du mécanisme contrepoids et balanciers qui empêcheront que la machine ne s’emballe au premier courant d’air venu, Calder lance à l’espace  - à peine entre-t-il en rapport avec les ailes d’un mobile - le défi d’un démiurge. Suspendu dans le vide, affranchi de son empreinte terrestre et abstrait des lois communes de la pesanteur, le mobile devient réceptacle et captateur de mouvements aussi contraires, graves et indociles soient-ils. Parce qu’en plus de prendre en compte des contraintes physiques qu’identifièrent quelques vingt ans auparavant des artistes comme Moholy-Nagy, Pevsner et Gabo, le mobile inventé par Calder intègre le vide et l’apesanteur, il ne peut être simplement qualifié de sculpture (qui tantôt simule le mouvement, tantôt l’aspire dans la matière du bronze, du métal, de la terre ou du bois). A l’image des autres mobiles, le mobile de 1947 est un nouvel élément qui trouve sa place dans un système plus vaste tout en proie à l’universalité du mouvement. Ce qui est formidable et inédit dans un mobile en général, dans le mobile exécuté vers 1947 en particulier, c’est qu’en dépit de son ouverture et de sa sensibilité tous azimuts au monde, il demeure une entité abstraite, valable en elle-même et à l’intérieur d’elle-même comme la mimesis d’un autre ordre. Au-delà de la fête visuelle sans cesse renouvelée qu’offre la contemplation d’un mobile, c’est probablement cette autonomie de l’œuvre en même temps que son intelligence souveraine du monde qui fait surgir nombre de correspondances imagées entre la réalité artistique du mobile et la réalité explorée de l’univers. Avec les mobiles, il arrive un moment merveilleux où, de complications indécelables pour le raisonnement et au gré du hasard,  jaillit la possibilité d’une infinie licence poétique.

“Above all, art should be happy and not lugubrious”. The artist who made enchantment his credo could not have better dedicated his work – a mobile made around 1947 flickering with red, yellow, white and black discs – by giving it to a renowned New York paediatrician of the 1950s. Hanging in his consulting room on 65th Street, the mobile must have intrigued and distracted those who raised their childish eyes to it. Close to Paul Strand, Walter and Naomi Rosenblum and Larry Elgart among others, he became Calder’s friend and received the work after a somewhat comical request: the artist asked the paediatrician to treat his mother in her old age. After a bit of reluctance and to thank him for having agreed to this great leap in his profession, Calder arrived one day, a smile on his face and a mobile under his arm. Made around 1947, probably in the Roxbury studio (where Calder made most of his works before moving definitively to France in 1960, to the Saché studio), the mobile dates from the time when Jean-Paul Sartre identified the flying objects: “A mobile: a small local festival, an object defined by its movement and nonexistent apart from it … a free play of movement, like coruscating light. » (Paris, Galerie Louis Carré, Mobiles, Stabiles, Constellations, 1946; catalogue, foreword) and where, inspired by their whirling poetry, André Masson sent him this poem “Greetings forger of gigantic dragonflies /Diviner of mercury your fountain revealed /A water heavy as tears. /But a carousel of little crimson moons thrills me /It brings to mind a translucent circus /It is a leaf traversed by the sun. /One green day you saw a red bird /in pursuit of a yellow bird.” (Alexander Calder’s Studio, manuscript poem, 1943 in New York, Buchholz Gallery, December 1947: catalogue extract).

Sixty years later, the enchantment remains intact. Calder and mobile have become synonymous of fancy, lightness and ingenuity. If this visual, sensitive and metaphorical enthusiasm is what tends to characterize Calder’s work (one just has to ask someone looking at a mobile to find proof of this), it would be null and void to resume it as simply a poetic object. Behind his bonhomie, who is Calder really? The inventor of the century. What are his mobiles then? Abstract artworks. Even better: they are the first three dimensional abstractions.

In 1930, at a time when the Circus figures multiplied and seduced the whole of Paris (where he arrived in 1926), Calder visited the studio of the De Stijl movement leader: “My first incitation to working in the abstract came to me when I visited Mondrian’s studio in the Fall of 1930 (…). I don’t know if you know his studio as it was then – a white wall, quite high, with cardboard rectangles painted in yellow, red, blue, black and a variety of whites, pinned to form a beautiful big constellation (…). I went back home and I painted abstractions for two weeks – then I went back to the materials I was most at ease with (…)” (Alexander Calder, Letter dated November 4 1934, Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington D.C., A.E. Gallatin Papers). In 1932, Duchamp baptised the mobiles (it was Arp who gave the name to the stabiles invented in 1943). In 1935, after the motorised mobiles (works where Calder’s training as a mechanic engineer is most palpable), the first wind mobiles – to which Calder’s 1947 mobile belongs – were made. Polymorphous considering that all artwork with at least one element susceptible to movement is mobile, the corpus of mobiles will later include, pell-mell, mobiles on a pedestal, posed and traversed mobiles, mobile tables and mobile monochromes. The 1947 mobile is a particularly accomplished version of Calder’s abstract conception which is neither the purist abstraction of neo-plasticism, nor the personal abstraction of the expressionist tendency. What is unusual with Calder is the phenomenon of abstracting the real, without referring to nature, yet never ceasing to suggest it. The organic forms are proof of this (they could even be called biomorphic to use a term employed by Arp or Miro that Calder encountered as part of the Abstraction-Creation group in 1931), suspended on the wires of his first mobiles. Yet what degree of simplification of form did the 1947 mobile go through in order to display, in differing circumferences, spheres that are disarming in their purity? Likewise, at the heart and even the dismemberment of the same mobile, how can we not see in the association of four pure colours – red, yellow, black and white – the controlled and sophisticated expression of the more or less ideological rule of maximal contrast? For these reasons, which lead to the simultaneous fusion and explosion of form and colour (a phenomenon which can be found again in the monumental mobiles undertaken in the 1950s and 1960s), the 1947 mobile can be considered an archetype of the mobile where formal clarity is relayed – like the echo of a ballet – by the simplicity of a chromatics of essentials.

As the design and colour of the forms are connected to painting, how does the mobile reach the rank of the first abstraction in space? By movement. “Faithful to the intuition born in Mondrian’s studio” (Arnaud Pierre, Calder, La sculpture en movement, Paris, 1996, p.157), Calder imagined the distribution of these elements at the extremities and all around the metal rods, whose slender aesthetics unites with the mobile’s architectonic function. Counter-current to the intangibility of vision to which the application of neo-plasticist theories lead, Calder invented the balance of forces in movement. Because he was capable of calculating trajectories, of apprehending the variation of energies and of placing counterpoints and pendulums at the exact crucial spot of the mechanism that would prevent the machine from spinning out of control at the first sign of a breeze, Calder flung at space the challenge of a demiurge – he hardly entered into a relationship with the mobile’s wings. Suspended in the void, freed from its terrestrial mark and abstracted from the common laws of gravity, the mobile becomes the receptacle and the captor of movement as contrary, solemn, and uncontrollable as it may be. Because in addition to taking into account the physical restrictions identified twenty years earlier by artists such as Moholy-Nagy, Pevsner and Gabo, the mobile invented by Calder incorporates the void and weightlessness and cannot be simply qualified as a sculpture (which at times simulates movement, and at times sucks it into bronze, metal, clay or wood). Like other mobiles, the 1947 mobile is a new element which finds its place within a larger system, prey to the universality of movement. What is astonishing and unprecedented in a mobile in general, and in the 1947 mobile in particular, is that despite its openness and its all-out sensitivity to the world, it remains an abstract entity, valid unto itself and within itself like the mimesis of another order. Beyond the continuously renewed visual celebration offered by the contemplation of a mobile, it is probably the work’s autonomy alongside its sovereign intelligence of the world which brings forth a number of corresponding images between the artistic reality of the mobile and the explored reality of the universe. With the mobile, the marvellous moment comes when, from complications undetected by reason and at the whim of chance, the possibility of an infinite poetic licence bursts forth.