Lot 16
  • 16

Constant

Estimate
300,000 - 400,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Constant
  • Femme Oiseau
  • signé et daté, signé, numéroté et titré sur le châssis

  • huile sur toile

  • 120 x 65 cm; 47 1/4 x 25 9/16 in.
  • Exécuté en 1949.

Provenance

Gemeentemuseum, La Haye (en dépôt de 1980 à 1998)
Collection particulière, Pays-Bas

Exhibited

Amsterdam, Stedelijk Museum, Internationale Tentoonstelling van Experimentele Kunst-CoBrA, 1949
Venise, XXXIII Esposizione Biennale Internazionale d'Arte, 1966
Montréal, Pavillon des Communautés Européennes, 1967
La Haye, Gemeentemuseum, Constant-Schilderijen 1940-1980, 1980; catalogue, no.26, illustré

Literature

Jean-Clarence Lambert, CoBrA, Antwerpen, 1983, p.155, illustré en couleurs
M. Hummelink, Après nous la liberté, Constant en de artistieke avant-garde in de jaren 1946-1960, Amsterdam, 2002, p.92, illustré

Condition

The colours are fairly accurate in the catalogue illustration although the overall tonality is lighter in the original. The work is executed on canvas and it is not relined. A few hairline cracks located in the dark and red impastos in the upper part of the work are only visible under very close inspection. Pinhead sized loss of paint located 18 cm from the left edge and 36 cm from the upper edge is only visible under very close inspection. Under UV light, there is no evidence of any retouching. This work is in excellent condition.
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Catalogue Note

signed and dated; signed, numbered and titled on the stretcher; oil on canvas. Executed in 1949.

La première apparition de Femme Oiseau date de 1949, première année de parution de la revue du mouvement CoBrA. L'oeuvre est signée de l'artiste le plus visionnaire du groupe : Constant Nieuwenhuys dont l'Histoire de l'Art a souverainement retenu le prénom: CONSTANT.

Sur un fond brun rougeoyant, une femme-oiseau perchée sur une branche ouvre de grands yeux. Ils ont la forme des feuilles carmin et orangées suspendues, de-ci de-là, à l'arbre. Occupant la partie droite de la composition, l'arbre est métonymique: un tronc et deux branches servant d'écrin à la fantastique figure qui occupe le centre du grand format de la toile. La gracilité du corps de plumes, brossé de gris et de taupe, est contrebalancée par la plénitude du visage, rond comme une lune ou comme un soleil. Le visage se détache de l'arrière-plan du tableau par une incomparable carnation rosée et se rattache au corps par un long coup maniériste.

La Femme Oiseau est l'être aimé: Nelly Riemens, la seconde épouse de Constant. Dans une lettre du 27 septembre 1950 envoyée de Paris où il fréquente Pierre Alechinsky, Jean-Michel Atlan et Jacques Doucet, Constant lui écrit en français (au verso du contrat de bail pour la chambre qu'il loue au 57 de la rue Pigalle): «Ma plus chère et ma plus belle, J'arrive à Amsterdam le jeudi prochain, le matin à 10h05 CS [Centraal Station]. Je compte sur toi [...]. La toile intitulée Nelly-Oiseau, se trouve bien dans la chambre à couché [sic], cherche bien !! » (lettre inédite).

Dans le bestiaire multiforme et grouillant de CoBrA dont l'acronyme (Copenhague, Bruxelles et Amsterdam) évoque lui-même un animal, l'oiseau occupe une place primordiale. Il compte parmi les êtres hybrides qui ont une charge allégorique forte. Couplé à la figure humaine, il démontre combien est poreuse la frontière entre les hommes et les animaux. Le thème se retrouve dans trois œuvres majeures de Constant: Vogelidylle, 1948 (Stedelijk Museum, Amsterdam), Deux Oiseaux, 1949 (ancienne collection Alain Delon, vendu 478 624 € à la Paris en 2007) et L'Animal sorcier, 1949 (Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris). Femme Oiseau se distingue des œuvres du corpus dans la mesure où le portrait est sublimé, unique d'un point de vue formel et émotionnel.

En 1949, l'année où il peint Femme Oiseau, Constant est le rédacteur néerlandais du premier numéro de la revue CoBrA. Un an plus tôt, en 1948, le groupe d'artistes éponyme s'est constitué, réunissant Constant, Karel Appel et Corneille (membres néerlandais),  Asger Jorn (membre danois) et Christian Dotremont (poète belge). Dans le numéro 4 de la revue, Constant signe le texte manifeste du mouvement CoBrA. Comme un écho officiel à sa Femme Oiseau confidentielle, il écrit et proclame : «C'est notre désir qui fait la révolution». En mai 1949, les membres du groupe s'installent à Paris et exposent, à la suite de Wols, Hans Hartung et Georges Mathieu, dans la galerie d'avant-garde de Colette Allendy. Dans la préface au catalogue de l'exposition, Christian Dotremont affirme : «Ils [les membres de CoBrA] pensent que le plaisir de vivre n'est pas indigne de la peinture et que le plaisir de la peinture n'est pas indigne de notre vie. Et ils ont donc laissé la porte ouverte» (Christian Dotremont, Par la Grande Porte, 1949, in 'Karel Appel', Paris, 1988, p. 251). La porte serait-elle celle de la cage de la Femme-Oiseau? Comme d'autres critiques dont Edouard Jaeger, Michel Ragon commente l'événement : «Appel, Constant, Corneille, sont à l'avant-garde de l'art hollandais et ne doivent rien à Paris. Il était juste que Paris leur fasse honneur et, qui sait si certains peintres de chez nous n'y trouveront pas profit» (Michel Ragon, Le Groupe Expérimental hollandais, journal Arts, mai 1949, in 'Karel Appel', Paris, 1988, p. 254). En novembre 1949, Femme Oiseau est présentée à Amsterdam, au Stedelijk Museum dans l'exposition manifeste, Internationale Tentoonstelling van Experimentele Kunst - CoBrA, qui fait grand bruit et date. Dans l'une des huit salles du musée dont la scénographie anticonformiste restera longtemps le modèle des expositions d'avant-garde, Femme Oiseau trône au milieu d'une nouvelle «cage aux fauves».

A la fin des années 1950, entre tenants de l'abstraction géométrique héritée du Bauhaus et pionniers de l'abstraction lyrique, une poignée d'artistes européens proposent une alternative aussi brutale qu'éphémère : CoBrA. De 1948 à 1951, parallèlement aux expériences techniques de Jean Fautrier et Jean Dubuffet en France, les membres danois, belges et néerlandais de CoBrA développent une vision aussi naïve qu'expressive, non exclusive de figuration et de déformation, riche en inventions graphiques, en matière et en couleurs. Au milieu du champ exploratoire, Femme Oiseau se signale comme un chef d'œuvre. Outre sa forme achevée et sa forte teneur poétique, Femme Oiseau est une œuvre de synthèse et d'anticipation. Dans le sfumato brun de l'arrière-plan, l'ombre de Rembrandt se retrouve, le premier grand maître ancien en terre de Hollande. Les traits de pinceau rapides et presque écheveulés font écho à la fureur de Van Gogh, l'autre génie de la peinture hollandaise. A Odilon Redon, Femme Oiseau emprunte lyrisme et lévitation. Après 1950 et la dissolution du Surréalisme, héritier lui aussi du Symbolisme, Miro et Max Ernst interprètent à leur tour le thème de la femme-oiseau. Mais en 1949, sur les branches de CoBrA surgies de nulle part, la Femme Oiseau de Constant est la seule à imposer son règne.