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la pratique des vertus chrétiennes, ou Tous les devoirs de l’homme Quevilly, Jean Berthelin, 1669
Description
- [York, Duchess of]--allestree, richard
- la pratique des vertus chrétiennes, ou Tous les devoirs de l’hommeQuevilly, Jean Berthelin, 1669
illustration : portrait d’après P. Litty gravé par P. Lombart, daté de 1669
reliure attribuable à antoine ruette. Maroquin rouge, coins et cartouche carré central mosaïqués de maroquin olive, décor à la fanfare dessiné aux doubles filets et fers filigranés, chiffre ADY couronné frappé au centre des plats, doublure de maroquin vert, roulettes de dentelle en bordure, grand fleuron composite losangé dessiné aux fers filigranés, dans un encadrement de grands fers en anse, gardes marbrées au petit peigne, tranches à décor floral polychrome peint sur fond doré, chiffre ADY peint dans le milieu de la tranche verticale. Boîte-étui de maroquin rouge signée Rivière & Son.
Provenance
Catalogue Note
Première édition de la traduction française, dédiée à la duchesse d’York. L’ouvrage, sous le titre anglais de The Whole duty of man, parut la première fois en 1658. Le succès en fut immense, en Angleterre et en France, ses traductions multiples, et ses éditions innombrables tout au long du XVIIe et du XVIIIe siècle. Il est aujourd’hui attribué à Richard Allestree (ou Allestry, 1619-1681), moraliste conservateur plus catholique qu’anglican ou dissident, très peu enclin aux controverses théologiques propres à son siècle mais concentrant plutôt ses exhortations sur les vertus d’obéissance, de soumission, et de patience. Sympathisant royaliste actif pourtant auprès du futur roi Charles II, frère aîné de Jacques II, Allestree connut de lourds déboires professionnels, ainsi que la prison. Soutenu par de grands noms du clergé anglais, il fut libéré quelques mois avant la Restauration. En 1663, il devient chapelain du roi ; en 1665, il est nommé prévôt de Eton Collège, dont il restaure la grandeur, et où il repose jusqu’à nos jours.
Née en 1637, Lady Anne Hyde épouse en 1659 Jacques II Stuart, fils d’Henriette de Bourbon, la tante de Louis XIV, et dernier « roi catholique » du royaume. Elle prend le nom de Stuart par son mariage, et le titre de duchesse d’York le 3 septembre 1660. Tantôt décrite comme « commune » ou comme « majestueuse », ses contemporains s’accordent pour lui trouver de l’esprit et de l’humour. Elle meurt en 1671 à l’âge de 33 ans. Son portrait figure ici en tête de la dédicace.
La duchesse d’York s’était convertie peu avant sa mort à la religion catholique, tout comme le fit son époux vers 1672. Leurs enfants furent néanmoins éduqués dans la foi protestante. La politique catholique de Jacques II sera reniée en 1688 et le roi déposé. Leur fille Mary règnera avec Guillaume d’Orange dans une ultime tentative de concilier les diverses fois et credos politiques du pays. Jamais plus l’Angleterre ne connaîtrait un souverain de foi catholique.
Reliure de présent à la dédicataire de l'édition originale, cet exceptionnel exemplaire doit être admiré aussi comme une relique des espoirs de la France, environnée de pays réformés et hostiles sur la quasi-totalité de son flanc est et nord, de voir l'Angleterre retrouver sa foi catholique.
L'exemplaire est un somptueux exemple des reliures d’exception d’Antoine Ruette, très habile artisan à l’image de son père Macé Ruette, mais dont l’ambition commerciale prit le pas sur l’excellence esthétique. On en connait aujourd’hui surtout les décors à la fanfare d’exécution approximative, dans un souci de productivité et de compétition acharnée avec les ateliers ciblant la même clientèle. Celui-ci, d’une finesse rare, témoigne de l’excellence de ce relieur, capable tout comme ses prédecesseurs les plus accomplis, son propre père Macé Ruette, Le Gascon, Florimond Badier, Pierre Rocolet, Antoine Padeloup, ou le fameux Maître Doreur, de réaliser une reliure de qualité exceptionnelle. Raphaël Esmerian a souligné la dualité de ce relieur dans le célèbre deuxième volume du catalogue de sa vente : "Les reliures sorties de son atelier sont très nombreuses et, en général, de qualité médiocre ; les doreurs de quelque mérite y sont rares et on ne peut guère leur imputer qu'une vingtaine de volumes d'une exécution acceptable ; parmi ceux-ci : le manuscrit de Flacourt pour Nicolas Fouquet [Lignerolles, I, 1894, n° 30], un Saint-François de Sales [Lib. Salet, cat. 18, n° 98, pl. VI], les "Homélies du Bréviaire" de M. Ehrman à Londres [Nixon, "The Broxbourne library", n° 66] et le volume au chiffre de la Duchesse d'York (Catalogue II, 1972, p. 55). Il compose ici un décor de fanfare aux fers pointillés, sur une reliure mosaïquée admirablement équilibrée, et doublée d’un second décor de gerbes tout aussi inspiré des styles précieux du début du siècle. Les fers et roulettes du matériel à dorer d’Antoine Ruette visibles dans cette reliure se retrouvent sur une Semaine sainte de 1661 (Esmerian, II, 1972, n° 39 et 40, sur un exemplaire de la même édition de la bibliothèque de Michel Wittock (II, 2004, n° 173), ainsi que dans les décors des reliures reproduites par G. D. Hobson dans Les reliures à la fanfare, 1935, pp. 64-65).
L’exemplaire est dans un état de conservation rare, et n’a subi, ni ne nécessite, aucune restauration. Il a été convoité et conservé par trois bibliophiles au goût parfait : Mortimer Schiff, Major J. R. Abbey et Raphaël Esmerian.